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dimanche 6 mars 2022

Une histoire de mesure.

 Bonjour,


Aujourd'hui, je faisais Portes Ouvertes de l'Atelier, comme un avant-gout des Journées internationales des Métiers d'Art.



Portes ouvertes de l'atelier de reliure - Petite Cité de Caractère | Journées européennes des métiers d'art - JEMA (journeesdesmetiersdart.fr)


Nous ouvrons nos ateliers parce que vous les rendez vivants en vous y intéressant.
C'est un honneur pour la plupart d'expliquer simplement toute la complexité de nos savoir-faire et combien il est difficile de les préserver dans ce monde moderne.

Je pars souvent d'un livre que j'ai dans l'atelier depuis des années maintenant, le plus ancien: 1505.
Il a une histoire, récupéré par un libraire qui l'a sauvé d'une fin funeste, parce que sa valeur vénale est faible, associée sa valeur matérielle dégradée: décousu, taché de moisissures, les pages déchirées.










Voilà quelques photos parmi les plus parlantes de l'état d'origine. Il y avait une montagne de travail pour d'abord comprendre ce qu'est cet objet, ne pas perdre d'éléments.

Bien sûr que le travail que je fais est en dehors de toute réalité économique:
je ne travaille pas pour une institution qui a le projet de l'exposer, ni pour un client qui a une attache particulière avec ce livre en latin.
Je ne travaille avec aucun budget.

Je travaille pour la connaissance et le sauvetage d'un livre en déshérence, la beauté du geste, de la transmission.
Ce sont des détails et tout le monde s'en fiche.

C'est un traité de jurisprudence en latin de droit religieux, ayant été rédigé par Francesco de Accolti, secrétaire du Duc de Sforza, mort en prison à Loches, d'après ce que j'ai comme éléments.
Il est un post incunable tardif: c'est à dire après la date décidée par les institutions de 1501 pour désigner les livres du début de l'imprimerie, environ entre1456 et 1501.
Il est fait comme un manuscrit avec des lignes sur deux colonnes, les lettres de début de chapitres ne sont pas enluminées alors qu'une lettre dite de réserve est inscrite.

Ce livre est très interrogatif avec toutes ces caractéristiques uniques.

Je ne connais que deux exemplaires, un dans l'atelier et un dans une institution italienne.

La marque de l'imprimeur/fabriquant de papier est la famille Jacob de Legnano, avec un bois gravé qui n'a existé que 10 ans environ, entre deux fratries. Il existe cette marque sur d'autres livres mais un peu différente, antérieure et postérieure à celui dans l'atelier.










Aujourd'hui il a cet aspect, assez pur, parce que, à part la couture et la réparation des feuillets, rien n'a été entrepris.
La peau d'origine est assez dégradée, on ne peut pas la réutiliser.
Mettre une peau en mouton mégissée, traitée à l'alun donc, n'a pas de sens.

Pourquoi apporter un élément? qui contient des éléments modernes? de dégradations possibles? sur un livre qui a 500 ans??! et est en bon état, assez pour le lire, pour servir à la mémoire d'une possible recherche sur l'une ou l'autre des pistes données dont celles-ci: 







Je n'ai pas remis de mastic à l'argile blanche: quel liant?
J'ai fait une tranchefile neutre en chanvre sur la base d'un exemple.
Mais était-elle vraiment comme ça?

Pour un client privé, la démarche ne sera pas la même, hélas, que pour une institution.

J'ai vraiment du mal à imposer cette vision qui m'est particulière et que j'applique sans faille, alors que depuis 1996, ce métier à savoir-faire a suivi la voix de la scientifisation des années 1990/2000, c'est à dire d'imposer le fait que tout livre de plus de 300 ans doit être traité avec beaucoup d'attention, quand les évidences de son histoire ne sont pas clairement identifiées.
La vie des livres est multiple, les propriétaires ont pu les vendre, les égarer, se les faire voler.
3 ou 400 ans plus tard, qui sait?
Une histoire peut manquer d'un élément qui n'est pas découvert.
Ce n'est pas grave mais pourtant cela contribue à l'édification d'un monde qui se tient, la compréhension, pour un individu, de s'ancrer dans ce monde.






Aujourd'hui, vous ne pouvez pas passer à côté de la formation en histoire, histoire de l'Art et des métiers, les autres métiers connexes qui vous permettent de faire le lien avec le vôtre, papetier, formaire, tanneur, mégissier, parcheminier, enlumineur, ébéniste, doreur, marbreur, imprimeur, typographe, imprimeur, éditeur, des techniques, de la chimie appliquée à la restauration des matériaux, à la partie juridique, à la partie recherches bibliographiques.

Le temps pour faire ces recherches et mener correctement un travail sur un livre à priori inintéressant aujourd'hui est immense et un travail de solitude: Personne ne vous comprend.

Pourtant c'est mon quotidien.

Quelque part au fin fond du Loir et Cher, un relieur a décidé d'appliquer sa vision des choses sur un morceau de patrimoine écrit et relié rejeté parce qu'il n'a plus de valeur marchande évidente, d'utilisation concrète dans notre société.

Petite pépite d'espoir lancée ici, chaque personne est repartie ce jour avec un morceau de cet atelier, les yeux ouverts et brillants sur cette échange simple autour de la connaissance d'un métier.

Je les remercie des millions de fois pour ces échanges autour d'un quotidien fait de curiosités, de travail, d'ouverture pour qu'une petite partie de patrimoine ne disparaisse pas purement et simplement, par négligence, par méconnaissance.

A bientôt pour les prochaines portes ouverts.
La petite librairie ouvre ses portes tous les dimanches de 15H00 à 18H30 pour partager, vendre, échanger et continuer à faire vivre ces petits morceaux de patrimoine écrit et relié.

Pour vivre de ce métier, je fais de la reliure parce qu'il y a toujours des personnes qui font relier, je donne des cours aussi, d'initiation à la bibliophilie, à la reliure.

L'aspect "vivre de ce métier" est ce qui fait que c'est un métier, tous les jours, avec un cadre défini par la Chambre des Métiers, avec un siret et un titre, maître artisan.



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