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jeudi 18 octobre 2018

Jean Louis Barbance, la dorure des cuirs à la BNF


L’atelier de dorure sur cuir de la Bibliothèque nationale de France

Jean-Louis BARBANCE (Communication du 27 juin 2002)
L’atelier de dorure sur cuir de la Bibliothèque nationale de France rue de Richelieu se distingue par l’importance de sa collection de fers à dorer : 1834 fleurons, 505 paires de fleurons symétriques, 511 filets de composition droits et courbes, 191 palettes simples et ornées, 144 chiffres à tige, 724 lettres à tige et 64 plaques, 380 roulettes simples et ornées ; soit 4858 pièces. Parmi ces fers, 1712 proviennent d’un don d’Henry de Rothschild en 1934, et certains du célèbre atelier parisien de la seconde moitié du XIXe siècle : Traultz-Bauzonnet. Avec les achats en 1992 de 256 fers et roulettes de l’atelier Nampon, et en 1995 de 97 fers de l’atelier Mercher, la collection comprend 5211 pièces.

Le protocole d’intervention

Les ouvrages traités proviennent des départements spécialisés de la BnF et des bibliothèques classées de province. Après restauration, chaque volume arrive à l’atelier de dorure accompagné de sa fiche de travail annotée par le conservateur (retouches du dos, des plats, reconstitution du décor, ou titre). Si le dos, trop abîmé, n’a pas pu être incrusté sur le cuir neuf, il est sauvegardé à l’intérieur du volume ou dans la boîte de conservation et sert de référence pour restituer le décor. Lorsque l’ouvrage fait partie d’une série, un modèle est proposé. Tous les livres ne sont pas systématiquement retouchés : ainsi, aucune intervention n’est faite, sauf à de rares exceptions (reprise de filet à froid pour l’harmonie), sur les reliures antérieures au XVIe siècle.
Dans tous les cas, le doreur n’intervient que sur les parties restaurées, donc sur du cuir neuf. Il est hors de question de redorer un motif sur la peau d’origine (un fleuron effacé par les manipulations est laissé tel quel).
De plus, les interventions du doreur sont limitées :
  • déjà par l’outillage : car malgré les 5000 fers, il arrive fréquemment de ne pas retrouver le même motif, on laisse donc un « blanc » ;
  • puis par politique : certains départements ne demandent en effet pas ou peu de reconstitution de décors, mais uniquement celle de certains éléments (filets, montants, travers, titres à l’identique), et pas de fleurons, même si la collection le permet. Enfin, aucune intervention n’est faite sur les reliures de luxe à grands décors, lesquelles sont en général bien conservées.

Dans tous les cas, les interventions du doreur sont décelables et les dossiers de restauration (fiches, photographies) conservés aux archives les identifient.

Les différents procédés de dorure

La dorure à froid

La dorure à froid ou procédé « à froid naturel », s’obtient en humidifiant la peau, puis, le fer chauffé au rouge, refroidi sur une éponge humide pour ne pas brûler le cuir, est appliqué sur la peau mouillée. Par réaction à la chaleur, la peau brunit. La dorure à froid, utilisée pendant tout le Moyen Âge, est abandonnée au profit de la dorure à la feuille d’or qui apparaît en France à la toute fin du XVe siècle. Elle réapparaît au XIXe siècle avec des décors d’une subtile harmonie mêlant dorure à froid et dorure à l’or.

La dorure à la feuille

La feuille d’or se présente sur papier de soie, en carnet de 25 feuilles de 10×10 cm, épaisses d’environ un micron, soit 1/1000 de millimètre. L’or, métal très ductile, passé au laminoir, s’étire et forme un ruban de plusieurs mètres. Il est recoupé et repassé plusieurs fois dans le laminoir. L’opération finale ne peut se faire qu’à la main : les rubans de métal, intercalés entre des feuilles de parchemin, sont frappés plusieurs heures par le batteur d’or à l’aide d’un gros maillet. Cette feuille est aussi utilisée pour la dorure sur tranche, sur bois et sur métal.
La dorure sur cuir à la feuille se pratique à chaud. Une fois apprêtée au blanc d’œuf chimique (Fixor) et séchée, la peau est légèrement passée à l’huile d’amande douce. Puis on y applique la feuille d’or – préalablement découpée sur un coussin en veau retourné avec un couteau à or (long et plat) – où elle adhère provisoirement. Pendant ce temps, les outils chauffent sur le réchaud électrique ; le fer, refroidi sur une éponge détrempée, frotté sur une croûte de cuir pour éliminer les impuretés, est « poussé ». Sous l’action de la chaleur et de la pression, l’apprêt fond et fixe la feuille au fond de la trace. Il ne reste plus qu’à essuyer le surplus avec une flanelle. On récupère les déchets d’or dans un récipient grillagé, la « cloche à or ». Ce sont là les principes de base, mais il existe plusieurs techniques et manières de dorer.
Pour résumer, le travail s’effectue :
  • en ordinaire ou courant
    On apprête en plein (sur toute la surface du dos), on couche l’or en plein ; c’est la manière la plus rapide de dorer les dos des XVIIeet XVIIIe siècles et les pièces de titre.
  • en demi-soigné
    On indique d’une légère pression avec un fer non chauffé, l’emplacement des fleurons ou du titre sur une surface apprêtée en plein ; on verra donc à travers la feuille d’or la marque du fleuron sur la peau.
  • en soignéOn aura préalablement poussé les fers au tampon encreur sur une mince feuille de papier au format du volume ; ensuite, on appose cette feuille sur le dos ou le plat du livre et l’on reprend un à un les fleurons imprimés sur la feuille de papier. On retire celle-ci et les marques des fers apparaissent. Pour avoir une trace bien nette, on pousse de nouveau les fers sur la peau légèrement humidifiée en retombant bien dans les traces que l’on brunit à peine ; on peut alors apprêter au pinceau dans la trace. Le décor est doré plusieurs fois jusqu’à l’obtention d’un travail parfait.

L’or sur film

Pour les petites interventions ponctuelles, on emploie l’or sur film, fabriqué essentiellement pour être utilisé à l’aide de machine (dorure semi-industrielle et industrielle) pour du travail de série. Il s’agit d’un film cellophane sur lequel est déposée par électrolyse une fine couche d’or. Sous l’action de la chaleur, l’or se détache de son support et se reporte sur la matière à dorer que l’on n’a pas besoin d’apprêter car l’or est recouvert d’apprêt. L’utilisation du film permet de travailler à sec, sans Fixor (liquide) qui risque de tacher la peau ancienne, souvent « épidermée », donc très poreuse.

La patine

La patine, dernière opération, matifie l’or neuf et se rapproche de la couleur initiale. On applique, au pinceau, dans la trace, de l’aquarelle mélangée à de la méthylcellulose qui la fixe. Ce procédé un peu long est réversible, et l’aquarelle, non nocive, possède un riche éventail de couleurs.

Pour conclure

Les interventions du doreur, d’ordre esthétique, contribuent à redonner son identité historique à l’ouvrage restauré. Elles perpétuent une tradition et un savoir-faire de plus en plus rare pour des raisons déontologiques et économiques.
Jean-Louis BARBANCE (BnF, atelier de restauration)
N.B. Cette communication a été publiée en 2005 sur la plateforme Ædilis (http://aedilis.irht.cnrs.fr/materiaux/2.htm).

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