La reliure selon Vladimir Tchékéroul

La reliure selon Vladimir Tchékéroul
On a le droit et le devoir de maintenir un niveau d'exigence haut, place au concret et à la recherche d'indices pour connaître les livres....

dimanche 30 septembre 2018

La couture des cartonnages.






Si, comme moi, vous démontez les livres, vous vous êtes aperçu qu'il y a eu beaucoup de façon de fabriquer un livre au 19 ème.

Ici, un cas de figure qui explique pourquoi on ne peut pas juste démonter une partie pour en remettre une autre et/ou juste recoller.

Quand c’est cassé, c’est cassé.

La couture machine à été faite en traversant les cahiers en leur centre, jusque là, rien d'anormal, et sur une mousseline qui rend solidaire tous les cahiers sur ce bout de toile, très aéré, qui ressemble à de la gaze médicale.
C’est une sorte de structure interne au livre, qui, si on coupe la ficelle au centre du cahier, retient quand même les autres cahiers cousus à elle, et encollées au dos par la dessus.

Très solide.

C’est encore dans les mors que ça casse, en raison, souvent, de la nature de la colle et du contact avec des matériaux très acides (carton, papier de renfort, kraft) qui ont fragilisé l'ensemble.

Entre deux volumes identiques et deux séries différentes, les différences sont nombreuses.

Il n’est pas facile de remboîter l'un dans l'autre une couverture mieux et l'autre à la place dans un autre forme de montage.

Dans ce cas, je suis obligée de démonter tous les volumes, de reconstituer un volume le plus parfait possible et de faire du mieux que je peux, pour les éléments disparates, qui vont constituer un volume étrange, bâtard, sans réelle cohérence.

Il ira rejoindre une caisse d'invendus, de dépareillés, de "Pierre" qui peuvent habiller "Paul".

C’est une pratique courante et dont il ne faut pas s'offusquer, puisque le but étant de conserver une trace d'une production avec tellement défaut que c’est un miracle quand il nous arrive un cartonnage presque neuf avec un contenu pourri et un contenu sans défaut dans un cartonnage pourri, on n'hésite pas une seconde pour faire ce travail honnête et noble.

Le prix de vente de ce volume aura bien valu le temps que je passe à réfléchir et à refaire avec soin de façon invisible, et non pas un pseudo prix établi par on-ne-sait-qui sur un tarif est fait en fonction d'un acheteur et d'un vendeur à un moment donné.

Qu'il soit industriel ou non, le temps passé à le refaire de façon invisible est manuel et infini.


J'aurais passé une journée à défaire, refaire.


samedi 29 septembre 2018

La restauration de livres en percaline.

La restauration de livres en percaline, à plats historiés ou non, est difficile.
Souvent conçus avec des défauts dès l'origine, selon les séries et les matériaux utilisés, ils ne sont pas tous récupérables. Ils sont un pur produit industriel.
http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1986-04-0397-003

Les traces du temps peuvent être aussi esthétiques quand elles n'atteignent pas l'ensemble ou qu'elles sont trop irrégulières.

Ces livres rouges ou verts ou bleu ou violets ont tous les mêmes défauts ou usures aux mêmes endroits.

D'un format grand in 8, ou in 8, (soit 8 plis) sur la base d'un format grand Jésus, ou Jésus, (56 par 76) ou Jésus (56 par 72) c’est à dire compris entre 270 par 175 millimètres, selon le gabarit de la chambre de la reliure brochure, édité au 19 ème, ou 280 par 180, à peu de chose près, selon la pratique de l'atelier qui massicotait les trois côtés, on se retrouve avec des volumes cassés à l'intérieur, des gardes qui n'ont pas tenu, des coiffes et des coins mous, des mors en toile devenu très fin, voire déchirés.

Les coutures à cahiers sautés sont aussi courantes: dans un cahier sur deux voire sur trois le fil passe à différents endroits du cahier de façon alternée pour éviter que le dos ne monte trop.
Le papier étant très dur en général, les cahiers nombreux, il faut imaginer un livre cousu avec à l'intérieur un fil qui fait augmenter le dos du volume.
La contrainte technique ne permet pas de faire un dos plat ou peu rond, et l’emboîtage d'un tel volume, puisque la plupart des livres n'ont pas de passure en carton mais un collage simple des ficelles, de la mousseline, des rubans pour les plus tardifs, se trouve impossible à réaliser.

Les gardes sont parfois repliées et cousues avec le premier cahier de façon à être solidaire du livre et non pas ajoutées tout à la fin de l’emboîtage comme une partie supplémentaire de la conception.

Bleues, les fameuses gardes Hetzel, marrons, jaunes, mais parfois aussi roses et bleues pales, grises aussi, sont unies et faites sur un papier fin, fragile, cuit la plupart du temps.

La méthode de couvrure et d'impression des plats, plaque pour la dorure, mosaïque, encollage, chromolithographie, se faisait à chaud sur des cartons de mauvaises qualités, bois + éléments chimiques, charges, colles, etc etc ... qui fait qu'aujourd'hui on ne peut pas refaire ces cartonnages sans les dénaturer avec de la peinture acrylique qui en fait perdre l'authenticité.

Les reprises de dorure ne sont pas souhaitables, ni les reteintes complètes.
C’est beaucoup de temps passé, décourageant parfois, pour n'avoir qu'un résultat qui n'est pas satisfaisant: des dos doublés avec des toiles, du japon reteint ton sur ton, font tout de même une épaisseur supplémentaire.

On ne fait pas de miracles.

Quand un livre est malade, on analyse et on essaie de comprendre pourquoi.

Une fois cette étape longue parce qu'on ne voit pas parfois ce qu'il y a derrière un dos par exemple, on se demande jusqu'où on va dégrader pour reconstruire et pouvoir refaire à la main ce qui a été fait à la machine.
La force de pression, par exemple, des machines industrielles à cette époque entre 1850 et 1890 est phénoménale.


Il existe aussi toute une production de livres pour la jeunesse, grands formats, qui ont les mêmes défauts de fabrication que les in 8.

Florilèges de défauts et de problèmes, formats ...


Photo Gallica. BNF







Un rappel:
Un lien pour comprendre pourquoi votre papier 19ème peut avoir des rousseurs:
http://classes.bnf.fr/dossisup/supports/15artb.htm
" Les causes de dégradation du papier fabriqué industriellement 

Seuls les mécanismes de dégradation chimique du papier sont décrits ici. Les effets de la dégradation mécanique, due à la fatigue du matériau, et ceux de la dégradation biochimique par des micro-organismes, présents du fait de mauvaises conditions de conservation, ne sont pas pris en compte. La dégradation chimique, donc, du papier fabriqué industriellement résulte en grande partie des procédés de fabrication utilisés. On distingue deux grandes catégories de dégradations : l’hydrolyse et l’oxydation. 
Les liaisons glucosidiques de la cellulose sont stables en milieu neutre et faiblement alcalin. Par contre, elles sont rapidement hydrolysées en présence d’un acide fort ou d’une base forte, ce qui se traduit par la diminution plus ou moins importante du degré de polymérisation et, par conséquent, de la masse moléculaire. Par exemple, l’encollage à la colophane a un effet très négatif sur la conservation de la cellulose, car le sulfate d’aluminium, utilisé pour précipiter la colophane sur les fibres de papier, est un sel acide qui, en se combinant avec l’humidité de l’air, se transforme en acide sulfurique, c’est-à-dire un acide fort. L’hydrolyse de la cellulose est également favorisée par la présence de groupements oxydés (aldéhydes, carboxyles). De plus, la présence de métaux de transition (fer, manganèse) catalyse les processus d’oxydation, y compris celle de l’oxyde de soufre, qui produit de l’acide sulfurique. 

D’autre part, la lignine et la colophane peuvent participer à la formation de peroxydes même à température ambiante : il s’agit d’agents d’oxydation très puissants qui réagissent directement sur les différents groupements chimiques de la cellulose. 

Enfin, aux facteurs internes de dégradation s’ajoutent aussi les facteurs externes tels que la pollution atmosphérique. Le dioxyde de soufre, les oxydes d’azote et l’ozone favorisent et l’hydrolyse et l’oxydation de la cellulose."

Autre lien :
http://www.librairie-huret.fr/index.php/centre-de-documentation-des-livres-a-plat-historie.html



lundi 3 septembre 2018

Les cosmographies . 2

 Les photos sont floues pour certaines ...
mais cela donne une idée des fleurons de type genèse, arbre de Jessé, sphère armillaire, inscriptions en latin, peu lisibles.

Il faudrait passer beaucoup de temps à étudier chaque inscription. Il me semble lire Lucrèce ... mais vraiment sans certitude.




























































dimanche 2 septembre 2018

Les cosmographies. Edito de la rentrée.


On pourra lire aussi ce livre qui a
l'air intéressant  dans le sujet exactement.
En parcourant les libellés du blog, je m'aperçois que rien n’est en référence aux cosmographies.
Quel drôle de mot: Cosmographie.

Cosmos et graphie.
Décrire le ciel (et la terre) en 1540.



C’est un livre compliqué, qui a été abîmé au cours de sa vie, on sait pas par qui, ni quand?
Les fragments, plus que des fragments qui restent, donnent quantités de renseignements.
Il faut aller à la pêche aux informations. Tout sert.

https://books.google.fr/books?id=RYs7jrwsSFwC&pg=
PA171&lpg=PA171&dq=g%C3%A9ographie+de+
ptol%C3%A9m%C3%A9e+basilae+1540&
source=bl&ots=8T9OhVsFC1&sig=o7V0YJVVg
LlIbcAjeVp7r2UTosg&hl=fr&sa=X&ved=2ahU
KEwjM3aj1zZzdAhWJzYUKHZCKCiIQ
6AEwCXoECAYQAQ#v=onepage&q&f=false




La reliure est entière et dans un état relativement stable.
Mais plus que du texte pour décrire, des photos sont plus parlantes.




En lisant ces deux articles,

https://www.cairn.info/revue-dialogues-d-histoire-ancienne-2013-1-page-9.htm

https://www.cairn.info/revue-hypotheses-2003-1-page-201.htm


on comprend que j'ai en charge un livre, qui même incomplet, est un monument de l'histoire du livre, de l'imprimerie et de ses aventures éditoriales,
et de la connaissance du monde pour les hommes d'un endroit du monde à un autre.

Il faut se replacer dans les conditions techniques qui étaient les leurs pour mesurer ... l'aventure: ce n’est pas un vain mot.
Le temps, les ressources convoquées, la volonté de ces hommes de sciences, d'argent et de lettres.
Noble, c’est le premier mot qui vient.
Probablement qu'à l'époque, ce n'était pas aussi clair, qu'il y avait des rivalités, du commerce en plus de la nécessité pour les hommes de se réunir pour comprendre leur monde.

Bien sûr, il n’est pas complet, un sauvage, il n'y a pas d'autres mots, a enlevé les cartes en couleurs imprimées pour en faire des bénéfices plus que copieux, revendues à la pièce? pour orner un bureau? compléter un autre exemplaire?
Cette dernière proposition est peu probable ... pourquoi démonter un exemplaire déjà complet et de première édition?

Les questions de l'ignorance, la cupidité viennent tout de suite à l'esprit.
On peut pourtant imaginer que les cartes étaient maculées, moisies ...
Quand je prends le livre en main, il me parle.
Il est chargé d'une histoire qui m'envoie vers des images incroyables.
La thèse du vendeur peu scrupuleux est plus que probable.
Pour autant, il a délicatement séparé les feuillets sans abîmer le texte.


La pratique de mon métier, l'observation et la patience à découvrir par moi-même, suivre mes intuitions et ma connaissance, à ne pas uniquement me fier à des marchands qui ont avant tout l'idée de la revente, aussi sérieux soient-ils - (la question de l'état est d'abord majeure: un livre entier a de la valeur, un fragment n'en a pas, où seulement s'il vient compléter un autre exemplaire pour en faire un troisième, bâtard, mais complet) - à poser des questions à des conservateurs qui ont accès à des matériaux de recherches immenses, tous ces paramètres me mènent sur des voies insoupçonnées parfois, ajoutant, ici où là, une valeur ajoutée à des morceaux de livres.

Bien sûr que tout le monde aurait voulu voir ce livre en entier dans un tel état de conservation ... ce n’est pas le cas.
Faut-il s'en plaindre où s'en moquer?

La reliure est en peau de truie, estampée à froid, les plats sont en bois, les fils de couture sont en lin .. Que de choses à étudier pour savoir d'où elle vient, de quel atelier?
La superbe marque à la fin est celle d'un imprimeur. Quel est son nom?


Toutes ces questions sont comme les cailloux des petits poucets et ne sont pas, pour certaines, sans réponses. Pour quelques autres hypothèses, avec les moyens techniques que j'ai,  le travail consiste à faire un état précis des éléments sans pouvoir aller plus loin, comme dans une institution, l’identification, Ô combien précieuse, des matériaux par voies électro-techniques et chimiques, non invasives.

Il faudra aussi que je dégrade un peu parce que je ne peux pas mettre en oeuvre la couture des cahiers blancs sans avoir accès au dos.
Jusqu'où faut-il dégrader pour pouvoir reconstruire?
C’est une question essentielle à la prise de décisions et à la limitation des risques en terme de perte de renseignements dont on ne sait pas encore qu'ils sont présents à l'instant T où je le travaille, pour les générations futures.
La question de la transmission est aussi sacrée.

Je ne sais pas à qui était ce livre?
Il se peut qu'il ait appartenu à quelques illustres personnages avant puisque les livres puissants appartenaient d'abord aux puissants.

Les livres sont de fabuleux moteurs de curiosité et, forcément mènent à des questionnements sur les pratiques du 20 ème siècle face à son patrimoine écrit.




Voici aussi d'autres articles pour compléter la compréhension de ce qu'est cette cosmographie.
https://journals.openedition.org/acrh/7943?lang=en

http://www.ancientportsantiques.com/wp-content/uploads/Documents/ETUDESarchivees/AncientMapping/Ptol%C3%A9m%C3%A9e%201%20&%207.pdf ... Pour la préface.
L'exemplaire de la BNF de 1542.

Les différentes versions des cartes:
https://howlingpixel.com/i-en/Geography_(Ptolemy)

Un exemple de fragments conservés après une restauration:
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8454687p/f291.item

Ici une biographie de Ptolémée par François Arago.
https://fr.wikisource.org/wiki/Biographies_des_principaux_astronomes/Ptol%C3%A9m%C3%A9e

Mes recherches concernant ce livre ne sont pas terminées. Je voudrais tomber sur le livre qui me parle de ce livre en particulier avec force de détails techniques, humains ...
Les fleurons d'estampage sur les plats sont certainement une indication d'un atelier ou d'un ouvrier précis ... ils voyageaient de place en place.
On y voit des scènes bibliques, il me semble.






Notre exemplaire de 1540.







Bibliophilie

Quelques notes savantes à retrouver dans les livres.   https://acrobat.adobe.com/id/urn:aaid:sc:EU:d8a35c97-309b-445f-ba3c-723967f9ace3