Dans un ancien numéro de Métiers d'Art en Septembre 1991, Julien Fléty, auteur d'un dictionnaire sur les relieurs français, édité en 1988 aux éditions Technorama, fait un reportage sur cette dorure.
Il place l'origine de la dorure à la première moitié du 15ème siècle avec une généralisation au 16ème.
Elle est exécutée à froid, sans opération de chauffe comme sa parente, la dorure sur cuir.
La dorure à froid sur cuir est trompeuse: Bien qu'elle se nomme "à froid", l'outil à dorer est chauffé et laisse une empreinte qui restera sans or, d'où le terme à froid.
(La dorure à froid ou procédé « à froid naturel », s’obtient en humidifiant la peau, puis, le fer chauffé au rouge, refroidi sur une éponge humide pour ne pas brûler le cuir, est appliqué sur la peau mouillée. Par réaction à la chaleur, la peau brunit. La dorure à froid, utilisée pendant tout le Moyen Âge, est abandonnée au profit de la dorure à la feuille d’or qui apparaît en France à la toute fin du XVe siècle. Elle réapparaît au XIXe siècle avec des décors d’une subtile harmonie mêlant dorure à froid et dorure à l’or.) Source: http://irht.hypotheses.org/441
Il faut faire une distinction avec la dorure sur tranche industrielle. Celle faite sur les livres dans nos ateliers n'utilise pas de machines.
Les outils sont: Des presses en bois, dites presses allemandes (en raison vraisemblablement de leur origine allemande), des ais, des grattoirs en acier, (identiques aux raboteurs de parquets), des plateaux de mises en presse, des agates appelées aussi brunissoirs, dents carrés, des coussins à or, des couteaux à or, chiffons, papiers de verre 000 des cartes à coucher l'or, éponges, brosses, ciseaux, bol d'Arménie, blanc d'œuf.
Les opérations:
La mise en presse, la gratture, l'assiette, faite de bol d'Arménie: blanc d'œuf, terre de sienne brûlée et eau, "le tout battu et filtré" (4 blancs d'œuf par litre d'eau), la couchure de l'or, la brunissure.
M. Fléty conclut en disant que bien que d'apparence très simple, ce métier requiert des qualités de patience et une longue formation parce que les connaissances théoriques ne suffisent pas ... un peu comme dans tous nos métiers: c'est la pratique qui fait foi.
On trouvera aussi d'autres recettes dans l'incontournable Manuel Roret de la reliure:
-
- "Le volume étant serré entre deux ais plus épais d’un
- côté que de l’autre, on prépare la tranche pour re-
- cevoir l’or et pour le retenir.
- Pour cela, on l’encolle avec de la colle de pâte fraî-
- che, qu’on laisse sécher, puis on la gratte avec un
- grattoir, et on la brunit en frottant en travers avec la
- dent, jusqu’à complète siccité.
- On passe ensuite sur la tranche une couche de bol
- d’Arménie, préalablement dissous dans de l’eau
- additionnée de blanc d’œuf, puis on la brosse pour
- la faire reluire. C’est alors qu’on applique une cou-
- che légère de blanc d’œuf étendu de dix fois son
- poids d’eau, ce qu’on appelle glairer ; le blanc d’œuf
- joue ici le rôle d’assiette et retient l’or, qu’on a soin
- de poser avant qu’il soit sec.
- On laisse sécher imparfaitement, puis on fixe l’or
- au moyen d’un pinceau lisse qu’on promène sur la
- tranche, sur laquelle on frotte de nouveau avec la
- dent à brunir. On laisse sécher entièrement, puis on
- brunit encore une fois sur l’or même.
- Pour dorer la gouttière, on commence par la ren-
- dre bien plate en appuyant sur les mors des deux
- côtés et en laissant tomber les cartons par derrière,
- puis on met le volume en presse entre deux ais.
- Pour appliquer l’or, on le coupe de la largeur du
- volume à dorer avec un couteau de doreur et on le
- dépose sur le coussinet ; on enlève ensuite l’or avec
- un morceau de papier non lissé, ou avec une carte
- dédoublée. La feuille d’or s’attache au duvet de ce
- papier, ce qui permet de la transporter facilement
- sur la tranche où elle se fixe ; on l’étend en souf-
- flant dessus et on l’assujettit avec de l’ouate.
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-
- On prend aussi quelquefois la feuille d’or avec le
- compas à longues branches coudées, ou bien avec un
- de ces pinceaux plats, qu’on nomme palettes.
- La gouttière dorée, on dore de la même manière
- la tête et la queue, après avoir fait descendre les
- cartons au niveau de la tranche. On incline les volu-
- mes dans la presse, du côté du dos ; on les serre
- chacun entre deux ais qui garantissent les mors.
- On laisse sécher la dorure à la presse (il faut six
- heures environ), après quoi l’on brunit avec une
- agate en travers du volume ; ce brunissage doit être
- fait légèrement et avec précaution pour ne pas en-
- lever l’or, et bien également pour ne pas faire de
- nuances.
- Quand le brunissoir a été promené partout, on
- passe très-légèrement sur la tranche un linge très-fin
- et enduit d’un peu de cire vierge, après quoi on bru-
- nit de nouveau, mais un peu plus fort. On recom-
- mence cette opération plusieurs fois, jusqu’à ce qu’on
- n’aperçoive aucune onde faite par le brunissoir, et
- que la tranche soit bien unie et bien claire.
- Les ébarbures de l’or s’enlèvent avec du coton en
- rame que l’on jette dans la caisse au-dessus de la-
- quelle se font toutes les opérations de la dorure.
-
- Au lieu de procéder comme ci-dessus, d’autres
- préfèrent opérer de la manière suivante :
- Après avoir serré le volume dans la presse, on le
- glaire légèrement et on laisse sécher. On donne en-
- suite une couche très-mince d’une composition obte-
- nue en broyant à sec un mélange de parties égales
- de bol d’Arménie, de sucre candi et d’une très-petite
- quantité de blanc d’œuf. Quand cette couche est sèche
270 DORURE ET GAUFRURE.
- on gratte et l’on polit, puis, avant d’appliquer l’or,
- on mouille la tranche avec un peu d’eau pure, et l’on
- appuie les feuilles d’or comme il a été dit. Enfin,
- quand celles-ci sont sèches, on polit avec la dent
- de loup.
- Dans le système de Mairet, on procède comme il
- suit :
- « La première opération de la dorure se fait en
- rognant le volume, sur la tranche duquel on passe,
- au pinceau, avant de le sortir de la presse, une
- bonne couche de décoction safranée. Ce liquide, qu’on
- emploie tiède, se prépare en faisant bouillir dans un
- verre d’eau une pincée de safran du Gâtinais ;
- puis en ajoutant à la décoction retirée du feu, gros
- comme une noisette d’alun de roche pulvérisé, et un
- peu moins de crème de tartre. On met cette couleur
- sur chaque côté du livre à mesure qu’on le rogne, et
- avant de desserrer la presse, afin que la couleur ne
- pénètre pas trop profondément, ce qui pourrait
- tacher les marges.
- « Quand la tranche est bien sèche, on la serre
- entre deux ais étroits, dans la presse à endosser, en
- faisant pencher la gouttière un peu du côté de la
- queue, et les bouts du côté du dos. Cette précaution
- est nécessaire pour que la couleur s’écoule de ma-
- nière à ne rien gâter. Alors on gratte la tranche
- pour la dresser et l’unir parfaitement, tout en ayant,
- soin de ne pas la toucher avec les doigts, dans la
- crainte de la graisser et d’empêcher l’or de tenir.
- « On s’occupe ensuite d’une autre opération. On pile
- dans un vase plusieurs oignons blancs, et l’on en
- exprime le jus dans une grosse toile. Alors, sur la
- tranche grattée et brunie à l’agate, on donne succes-
- sivement trois ou quatre couches de jus d’oignon ;
- DORURE ET GAUFRURE. 271
- on frotte aussitôt fortement, et jusqu’à siccité, avec
- une poignée de rognures bien douces, ne cessant que
- lorsque la tranche fait glace partout et présente un
- beau brillant.
- « C’est alors qu’elle est prête à recevoir le blanc
- d’œuf appelé mixtion pour attacher l’or, et obtenu
- en battant un blanc d’œuf dans deux fois son volume
- d’eau à laquelle on a ajouté huit gouttes d’alcool. Ce
- mélange doit être battu avec une fourchette de bois
- jusqu’à consistance d’œufs à la neige, puis reposé et
- passé à travers un linge très-fin. La liqueur qu’il a
- produite peut se garder quelques jours, à condition
- d’être passée à travers un linge chaque fois qu’on
- veut s’en servir.
- « Cette mixtion doit être posée une première fois
- sur la tranche avec un blaireau plat de poils de rat
- ou de cheveux. Cette première couche sèche, on
- frotte légèrement avec des rognures douces, puis on
- souffle afin qu’il ne reste rien de sali. On donne en-
- suite une seconde couche, de manière à ce que la
- mixtion fasse glace partout, puis on pose immédia-
- tement l’or avec la carte. On a dû éviter, en appli-
- quant la mixtion, de passer le blaireau plusieurs
- fois sur la même place, car cela ferait faire des bulles
- et lor ne s’attacherait pas sur ces points.
- « Le brunissage à l’agate a lieu ensuite après
- siccité complète. On connaît que la tranche est
- assez sèche quand lor a pris une teinte uniforme,
- et brille partout également. On y passe alors à nu,
- sur toute la surface, le gras de l’avant-bras pour
- amortir l’or, et faire mieux glisser le brunissoir.
- On passe l’agate, puis on termine comme précédem-
ment. »
Et ainsi de suite.
Source: https://fr.wikisource.org/wiki/Manuel-Roret_du_relieur_-_PII-chap4%C3%A06#.C2.A7.1._--_DORURE_SUR_TRANCHE.
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