Avec le temps, les nouvelles expériences et remarques issues de ma pratique sur de nouveaux travaux - chaque papier, chaque livre est unique - je constate que les photos reportages passés sont parfois confus ou témoignent d'une pratique à laquelle j'ai renoncé.
Soit des produits plus efficaces permettant de mieux maitriser les gestes et l'humidité, soit un équipement plus sophistiqué acquis avec le temps parce que certains travaux sont plus prestigieux et nécessitent encore plus de soin, sont à l'origine de ces renoncements.
La Laponite est un test sur cette couverture contrecollée sur une page très fine de papier acide.
On trouve peu voire pas de renseignement sur cette poudre d'argile blanche synthétique, utilisée aussi bien en cosmétique qu'en restauration, ce qui montre son absence de toxicité.
Sa capacité d'absorption d'eau est beaucoup plus élevée que la tylose .... j'ai du ajouter près d'un demi litre d'eau déminéralisée pour désépaissir la gelée obtenue avec environ deux cuillères à soupe rases.
Et c'est encore trop grumeleux, trop épais.
Demain je verrais bien comment est l'aspect de cette gelée translucide, qui contrairement à ce que dit la publicité, apporte un peu d'humidité quand même, laisse des résidus et demande de vraiment maitriser le dosage et le temps d'application.
Le résultat est tout de même probant: le papier est décollé et la page n'est pas vraiment humide.
Je l'ai humidifiée ensuite sur une plaque de verre afin de retirer un peu de Laponite restée amalgamée.
Séchage entre deux buvards et ensuite à l'air libre, très rapide.
ici on nous parle de 2% pour un gel hautement thixotrope.
C'est à dire: Désigne une substance sédimentaire capable de devenir liquide (comme un sable mouvant)
Toujours est-il qu'il faut bien trois heures pour nettoyer et réfléchir à mettre en œuvre les bons gestes, les bonnes solutions pour sauver un bout de dos, de couverture brochée.
Pourquoi?
Parce que cela fait partie du livre à part entière, et que si mes prédécesseurs, par soucis du gain de temps ... c'est en effet trop, très long toute cette partie qui va du collationnement à la sortie de presse de plaçure ... si mes prédécesseurs n'avaient pas eu une pression qui est toujours, sinon plus, vivace aujourd'hui, ils n'auraient pas balancé proprement ces éléments qui permettent de comprendre ce qu'était une édition dans un temps donné.
La profusion d'éditions a fait perdre aux contemporains des livres, leurs importances, mais aussi à nous, autres contemporains décalés, qui vivons dans l'abondance et le relativisme permanent: il faut conserver au maximum les éléments parce que personne ne sait sur plusieurs générations ce qu'il reste de vivace dans une mémoire et des savoir-faire, fussent-ils industriels, engloutis par la modernité encore plus moderne que moderne.
C'est une bataille permanente que je livre entre injonctions de travailler toujours plus vite - peine perdue avec deux de tension - et conscience de ne pas céder à des injonctions superfétatoires dans mon métier.
Il me faut du temps de soin, de minutie, de réflexion et de mise en œuvre: on ne travaille pas comme un cochon en effet.
Le temps de séchage.
Puis le temps de presse.
Puis le temps de réparation.
Puis le temps de montage.
Et si ce n'est pas bien ... je refais. Tant pis pour ceux qui ne veulent pas attendre et m'intiment l'ordre de leur rendre le travail qui devrait être refait ... ils ne s'en prendront qu'à eux-mêmes.
Parce que la reliure est un art, oui un art, très difficile, et les injonctions dans notre temps moderne insipide et hargneux ne servent à rien.
L'exigence demande à ce que chaque geste soit consciencieux, patient, lent et calme: soit un décalage total avec ce que vous croyez qu'est mon métier.
Bonne lecture ... avec le sourire.
Il s'agit d'un doublage à la colle tylose et papier de soie 9grs pour pouvoir débrocher sans perdre le dos cuit par la lumière et la colle de brochage.
Une fois débroché, on recolle le dos sur un japon plus fort et, une fois sec, on peut alors redécoller le japon 9grs.
C'est une procédure simple qui permet de sauver ces dos très souvent jetés ....
